SEPT 2025 | NO 09

MARKET INSIGHT – Septembre 2025

MARKET INSIGHT

L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.

Choisir c’est renoncer.

Alors que s’étirent les derniers jours de l’été et que la saison des résultats des sociétés pour le deuxième trimestre s’achève, nous pouvons dire que le cru estival de 2025 aura été bon pour les marchés financiers. Les principaux indices actions se sont appréciés ces dernières semaines, sans non plus s’envoler et ce malgré des résultats d’entreprises solides, surtout dans la technologie, et un discours de Jérôme Powell à Jackson Hole qui ouvre désormais la porte à une première baisse de taux en septembre.


Au-delà de ces éléments positifs, les dernières semaines n’ont pas été uniquement porteuses de bonnes nouvelles, loin s’en faut. Ainsi l’économie américaine donne désormais clairement des signes de ralentissement, sans toutefois, pour l’instant, voir le marché du travail vraiment se dégrader. Autre préoccupation majeure au pays de l’Oncle Sam, les premières conséquences inflationnistes des tarifs douaniers, qui impactent désormais le prix de bon nombre de produits.


La langue française est riche de subtilités et permet à ceux qui la maitrisent d’infinies variations et autres effets de style. Ainsi, Balzac écrivait « Choisir ! C’est l’éclair de l’intelligence. Hésitez-vous ? Tout est dit, vous vous trompez. » (L’Illustre Gaudissart. 1833). Même s’il y a peu de chance que Jérôme Powell et ses collègues de la Réserve Fédérale se penchent sur les écrits du célèbre auteur français durant leur réunion, il n’en demeure pas moins qu’ils font face à un choix dont ils souhaitent probablement eux aussi qu’il soit perçu comme un éclair d’intelligence. La configuration actuelle de l’économie américaine revêt un côté inédit. En effet, ralentissement conjoncturel rime avec inflation, cette dernière étant créée de manière exogène par la mise en place des tarifs douaniers voulus par l’administration Trump. Dès lors, le grand argentier américain doit choisir entre soutenir la dynamique économique du pays en abaissant les taux d’intérêt ou poursuivre ses efforts de lutte contre l’augmentation du niveau général des prix… en les maintenant élevés. À ce dilemme s’ajoute évidemment la pression permanente du président américain, dont les déclarations « au vitriol » concernant le patron de la FED sont devenues habituelles. Une étape supplémentaire a récemment été franchie par Donald Trump avec l’annonce du licenciement avec effet immédiat de Lisa Cook, l’une des gouverneurs de la Réserve Fédérale ayant voté durant les derniers mois pour un maintien des taux d’intérêt. Cette dernière entend poursuivre son mandat.

Nous envisageons une centaine de points de base de baisse de taux à horizon 9 mois, soit d’ici à la fin du mandat de l’actuel président de la FED

Comme nous l’écrivons régulièrement dans ce feuillet depuis quelques mois, l’inflation et l’emploi aux Etats-Unis sont les deux paramètres clés à surveiller dans l’optique de piloter une allocation d’actifs et de jauger le comportement des marchés. Le temps passant, le degré d’incertitude lié aux tarifs, ainsi qu’à la réaction des marchés financiers à ces derniers, a diminué. En d’autres termes, les règles du jeu du commerce mondial commencent â être claires et les investisseurs s’y adaptent. Cela a notamment eu pour effet de renforcer la concentration de l’indice S&P 500, dont les poids de quelques grandes entreprises technologiques lui confèrent désormais un statut assez proche de celui de ses homologues européens en termes de biais. Bienvenue dans le monde des indices actions concentrés, dont la performance n’est plus forcément un indicateur précis de la santé économique d’un pays. Il est désormais utile, pour évaluer les perspectives du S&P 500, de garder en tête que la conjoncture économique américaine n’est plus l’unique facteur à considérer et que la marche des affaires de sociétés comme Nvidia ou Microsoft, pour n’en citer que deux, est devenue un paramètre incontournable.


Le discours de Jérôme Powell suite au symposium de Jackson Hole était très attendu. Entre un faible momentum économique et une inflation menaçante, la baisse des taux d’intérêt apparait comme l’un des derniers catalyseurs pour le marché des actions cette année. Elle débutera sans doute en septembre, puis risque de prendre un caractère plus « data dependent ». Nous envisageons une centaine de points de base de baisse de taux à horizon 9 mois, soit d’ici la fin du mandat de l’actuel président de la FED.


Toujours côté américain, nous scrutons le comportement des consommateurs et, concernant ces derniers, certains discours récents de grands patrons ont été instructifs. Entre un marché de l’emploi en mode « no hire, no fire » et des prix à la consommation ayant tendance à augmenter, le consommateur américain devient encore plus sélectif dans ses dépenses. Ainsi, les PDG de plusieurs compagnies aériennes, ou encore le patron de Walmart, ont déclaré lors de la publication de leurs résultats qu’ils observaient plus de difficultés chez leurs clients au pouvoir d’achat le moins élevé et également le report de certains achats vers des produits d’entrée de gamme. Rien de bien surprenant compte tenu de nombreuses données économiques récentes, mais plutôt une confirmation concrète du ralentissement économique américain.

Si nous basculons maintenant de l’autre côté de l’Atlantique, l’actualité peut sembler, à première vue, moins chargée, l’Europe ne possédant pas « d’agitateur en chef » de la trempe du président américain. Il convient tout de même de noter, malgré un panorama économique plus lisible et, somme toute, honorable en termes de perspectives, que la situation française risque à nouveau de peser, suite au vote de confiance demandé par le premier ministre François Bayrou. Si ce dernier n’y survit pas, ce qui n’est de loin pas improbable, alors la France traversera à nouveau une période d’incertitude politique que les
marchés ont déjà commencé à sanctionner. Ceci ne fait pas du tout les affaires de l’UE, dont les économies souffrent d’un mix sectoriel bien différent de celui des Etats-Unis, dans lequel la technologie n’est que peu représentée, à l’inverse de segments fortement impactés par la nouvelle donne tarifaire ou encore l’apathie persistante de la consommation chinoise. On pense bien sûr ici aux secteurs les plus cycliques, comme le luxe, l’automobile ou encore la chimie, où l’Europe possède de nombreux fleurons.

Point positif cependant, la mission de Madame Lagarde semble plus simple que celle de Monsieur Powell, et le contexte politique dans lequel la BCE évolue est lui aussi sans commune mesure avec ce qui se passe aux Etats-Unis. Reste désormais à savoir si les marchés financiers plébisciteront, durant la dernière partie de l’année, la visibilité accrue que semble offrir l’Europe en termes de politique monétaire et de stabilité, ou s’ils se laisseront à nouveau porter par les déclarations ultralibérales du président américain et, bien sûr, la révolution de l’intelligence artificielle, dont les acteurs principaux se retrouvent tous ou presque dans les indices américains.

Bien sûr, la destinée baissière du dollar est un support, mais une conjonction d’autres facteurs explique la très bonne tenue des émergents en 2025

Enfin quelques mots sur la zone émergente, dont les Bourses ont connu un bel été, dans la droite ligne des six premiers mois de l’année. Bien sûr la destinée baissière du dollar est un support, mais une conjonction d’autres facteurs explique la très bonne tenue des émergents en 2025. Tout d’abord la
Chine, dont les indices ont fortement rebondi sous l’effet de la technologie, mais aussi, il faut bien le dire, de l’impression qu’à défaut d’acheter des appartements sur plan ou des sacs de luxe européens, les Chinois se sont mis (ou remis) à investir sur leur propre marché. L’Inde, quant à elle, digère encore quelque peu l’immense accélération connue par son marché boursier post-Covid, notamment en 2023 et 2024. De plus, la situation tarifaire vis-à-vis des Etats-Unis est compliquée, les relations Trump/Modi étant à ce stade largement plus fraîches que beaucoup ne le pensaient. En revanche, nul ne remet en cause
l’immense potentiel du pays et le dynamisme de sa très grande (et jeune !) population. Un point positif
supplémentaire pour le bloc émergent réside dans l’implication importante de certaines valeurs technologiques liées au développement de l’intelligence artificielle. Dans cette optique, Taïwan et la Corée du Sud, notamment, renforcent l’attrait de la zone émergente auprès des investisseurs internationaux.


Nos allocations ont connu un été agréable, engrangeant de la performance supplémentaire à travers les différentes classes d’actifs investies, et ce avec peu de volatilité. Le rapide tour d’horizon dressé ici nous incite à conserver une attitude constructive pour la dernière partie de l’année. Nous rehaussons dès lors de deux pour cent notre exposition aux actions américaines pour débuter septembre, la conjonction de baisses de taux à venir et les excellents résultats du deuxième trimestre dans la technologie nous y incitant. Côté obligataire, nous faisons toujours la part belle au crédit, qu’il s’agisse d’obligations d’entreprises de bonne qualité, à haut rendement ou encore d’émetteurs émergents. L’or reste, quant à lui, un pilier de notre stratégie et semble en mesure de continuer à performer dans un grand nombre de scénarios, notamment celui de futures baisses de taux. Enfin, avec une part alternative plus diversifiée que
jamais, nous sommes prêts à faire face à plus de volatilité et à une saison des résultats du troisième trimestre probablement plus impactée par les hausses de prix induites par les tarifs.

À l’instar de la FED, il faut aussi choisir quand il s’agit d’investir et donc renoncer. Nous choisissons encore un peu plus, cette année, l’optimisme prudent et continuons à voir du potentiel sur les marchés boursiers. En espérant que nos choix soient un « éclair d’intelligence », comme le décrit Honoré de Balzac.