AOÛT 2025 | NO 08

MARKET INSIGHT – Août 2025

MARKET INSIGHT

L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.

Moins d’incertitudes mais plus de défis

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la saison des résultats bat son plein, avec pour l’instant une tendance aux bonnes surprises. L’économie américaine continue de se montrer résiliente même si sa vigueur est moindre qu’il y a un an. Le consommateur répond toujours présent mais les signes d’une plus grande sélectivité dans ses achats se font sentir. De l’autre côté, l’incertitude tarifaire, véritable saga des derniers mois, diminue à grands coups de « deals », présentés comme à l’accoutumée avec sensationnalisme par le président Trump. On ne se refait pas.

Après le Japon, c’est l’Union Européenne qui a récemment mis fin au suspense par le biais d’un accord conclu avec l’administration américaine à hauteur de 15% de tarifs pour les produits européens importés aux Etats-Unis. Là encore, un certain flou prévaut, les contours du « deal » restant à ce stade imprécis. De plus, l’effet d’annonce concernant différents engagements du vieux continent à acheter moult produits américains durant les prochaines années semble bien supérieur à la future réalité. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient…

Pour celles et ceux qui s’intéressent à la psychologie, le polonais Robert Zajonc a mis en lumière dans les années 60 un concept qu’il a lui-même nommé « effet de simple exposition ». Son étude a démontré que, de manière générale, les individus préfèrent les concepts et choses auxquels ils sont fréquemment exposés plutôt que ceux qui leurs sont inconnus. Que l’on croie ou non à l’effet de simple exposition, il faut bien reconnaitre que les investisseurs se sont habitués au fil des derniers mois à la rhétorique et aux méthodes du président américain concernant les droits de douanes. La performance du S&P 500 (plus de 14% de hausse sur les trois derniers mois) en est la preuve. À force d’entendre que le retour d’importants niveaux de tarifs douaniers était une nécessité pour mettre fin à « l’arnaque » commerciale dont l’Amérique serait victime depuis trop longtemps, ou encore que ces mêmes tarifs n’auraient que peu d’impact sur l’inflation (et par ricochet sur les actions de la FED), le marché américain semble avoir fini par y croire. À tort ou à raison, la seconde partie de l’année devra désormais le démontrer.

L’inflation américaine est bien la variable clé vers laquelle tous les regards se tournent désormais, surtout ceux des membres de la FED

L’inflation américaine est bien la variable clé vers laquelle tous les regards se tournent désormais, surtout ceux des membres de la FED. Entre un dollar affaibli d’une dizaine de pourcents et une couche tarifaire comprise la plupart du temps entre 10% et 20%, l’addition parait de prime abord plutôt salée pour les sociétés qui exportent aux Etats-Unis. Ces dernières vont devoir arbitrer entre répercuter ces coûts supplémentaires sur leurs clients, au risque d’en voir une partie se détourner de leurs produits, ou rogner sur leurs marges. Il parait probable que beaucoup opteront pour une solution mixte dont les impacts sont encore difficilement quantifiables. Ajoutons à cela qu’il est fort possible qu’une vague « d’ingéniosité », caractéristique des périodes troublées, vienne en aide aux sociétés exportatrices dans le but, là encore, de lisser l’impact tarifaire en optimisant les processus de production puis les différentes étapes menant aux consommateurs finaux. Une partie de ceux-ci gardent un souvenir désagréable de la « shrinkflation » de certains produits lors du pic d’inflation de 2022.

Un autre paramètre important est bien sûr l’emploi américain. Le consommateur, même s’il se montre de plus en plus sélectif, travaille. L’heure est cependant moins à la fête qu’il y a douze à dix-huit mois sur le marché de l’emploi et nous assistons à une politique de « no hiring – no firing », autrement dit un statu quo de la part des entreprises dont les carnets de commande, mais aussi les dépenses d’investissement, ont souffert ces derniers mois du manque de visibilité induit par les tarifs. Le recul de l’incertitude liée à ces derniers devrait désormais leur permettre de mieux estimer le niveau d’activité à venir et donc d’ajuster ou non leurs besoins, tant en termes de ressources que d’investissement.

Ces deux éléments que sont l’inflation et l’emploi conditionnent également l’attitude de la Réserve Fédérale américaine et donc la survenue de potentielles baisses de taux. Plus largement, il s’agit aussi d’évaluer dans quelle mesure « l’agacement » (c’est un euphémisme) du président Trump envers Jérôme Powell pourrait à nouveau stresser les marchés financiers. Les investisseurs verraient sans doute d’un très mauvais œil toute perte d’indépendance de la banque centrale américaine si Donald Trump finissait par trouver le moyen de remplacer par anticipation son président actuel par un pantin de la Maison Blanche.

Côté européen, les femmes sont à l’honneur, le duo Christine Lagarde / Ursula von der Leyen étant sur tous les fronts. La première citée a quelque peu douché les espoirs des plus optimistes concernant des baisses de taux supplémentaires de la part de la BCE. La seconde a – elle – visité l’Ecosse et ses golfs pour signer avec le président Trump l’accord commercial évoqué dans ce feuillet et dont évidemment bien peu de gouvernements européens peuvent se réjouir. Rien de bien encourageant pour l’UE, dont les chiffres les plus récents confirment la mollesse de l’activité économique (+0.1% de croissance pour l’Eurozone au deuxième trimestre).

Reste le bloc émergent, dont les indices boursiers connaissent globalement une très bonne année, bien aidés par la faiblesse du dollar et un climat moins belliqueux qu’il y a quelques mois concernant les tarifs douaniers entre les Etats-Unis et la Chine. Cette dernière question, bien que toujours en suspens, semble devoir être le dernier gros morceau de la campagne tarifaire de Donald Trump. L’hypothèse d’une guerre commerciale dure avec la Chine s’est éloignée et il semble probable qu’à l’instar du Japon et de l’UE un accord acceptable, mais aux contours mal définis, finira par être annoncé. À noter, et c’est une surprise, que l’administration américaine a annoncé fixer un niveau de 25% de tarifs sur les produits indiens, pointant notamment les liens du pays avec la Russie alors que Donald Trump a fixé un délai à son homologue russe pour conclure un cessez-le-feu avec l’Ukraine. Comme quoi les tarifs mènent à tout.

Ce rapide tour d’horizon des trois grandes zones économiques nous permet de justifier l’intitulé de ce commentaire mensuel. La campagne de tarifs douaniers débutée lors du « Liberation day » début avril et dont la mise en scène paraissait parfois grotesque est en train de prendre fin. Même si tout semble loin d’être réglé et qu’il y a fort à parier que les questions tarifaires alimenteront la volatilité des bourses durant tout le mandat de Donald Trump, ce dernier peut légitimement clamer que les Etats-Unis ont réussi à faire peser leur leadership pour tordre le bras (pour ne pas dire le cou) de leurs principaux partenaires commerciaux. L’incertitude est donc moindre sur ce front-là et les opérateurs commencent à avoir des chiffres concrets à modéliser. Reste désormais à savoir si les droits de douane permettront au pays de l’oncle Sam d’assoir un peu plus sa domination économique et financière ou si, au contraire, l’administration Trump a posé la première pierre d’un affaiblissement de l’hégémonie américaine.  

La campagne de tarifs douaniers débutée lors du « Liberation day » début avril et dont la mise en scène paraissait parfois grotesque est en train de prendre fin

Nos allocations d’actifs saluent le recul des incertitudes liées aux tarifs et le caractère plutôt raisonnable des niveaux d’ores et déjà annoncés. Nous augmentons notre exposition en actions émergentes à travers le renforcement d’une gestion active déjà présente dans les portefeuilles. Nous profitons également des derniers développements pour nous séparer de notre exposition aux obligations gouvernementales américaines à 20 ans et réallouer vers une stratégie active sur les obligations d’entreprises à haut rendement. L’environnement des prochains mois devrait rester porteur pour ces dernières, à l’inverse de celui des taux longs américains dont le niveau pourrait demeurer durablement élevé.   

Les performances de nos allocations ont progressé en juillet, portées par la bonne tenue des actions, américaines notamment. Il est d’ailleurs intéressant de relever que le S&P 500 a réussi à refaire son retard sur l’indice européen, alors que l’écart avec ce dernier était considérable au terme du premier trimestre. Nous restons en revanche pleinement conscients du caractère extrêmement concentré de ce rallye, dans lequel une grosse dizaine de très grandes sociétés, principalement actives dans la technologie et le secteur financier, est responsable d’une part très importante de la hausse de l’indice.   

Le mois dernier nous indiquions ici même « qu’un peu plus de visibilité sur le front tarifaire pourrait faire basculer 2025 vers un bon cru pour les actions ». Nous avons avancé dans cette direction et le reflétons dès lors dans nos allocations. Les effets de la nouvelle donne commerciale mondiale vont mettre du temps à pleinement se matérialiser dans les chiffres économiques, notamment en termes d’inflation. L’attitude de la FED en dépendra et risque bien de continuer à irriter le président Trump, jamais avare de mots choisis envers Jérôme Powell… Ceci fait courir aux opérateurs un risque de stress supplémentaire que nous gardons à l’esprit.

Un terrain de jeu a priori plus stable donc pour les actions, avec des règles moins incertaines en termes de commerce mondial, mais désormais de nombreux défis à relever pour les entreprises qui devront s’y adapter.