MARKET INSIGHT – Juin 2025
MARKET INSIGHT
L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.
Un rebond et beaucoup de questions
Les mois se suivent et ne se ressemblent pas en 2025. Après une période particulièrement difficile pour les marchés actions, marquée par le lancement d’une véritable guerre commerciale orchestrée par l’administration Trump à travers le retour de droits de douane aux Etats-Unis, le mois de mai aura été celui du rebond, l’indice S&P 500 gagnant un peu plus de 6% et tutoyant à nouveau les 6’000 points, un niveau qui paraissait encore bien loin il y a quelques semaines.
Deux facteurs principaux expliquent le regain d’optimisme des investisseurs : un énième revirement du président Trump face à la Chine, avec qui des pourparlers presque surprises ont rapidement débouché sur un « allègement » des tarifs douaniers entre les deux pays. Les niveaux surréalistes annoncés par les deux mastodontes du commerce mondial en avril ont été ramenés, pour trois mois en tout cas, à des seuils plus raisonnables. Le deuxième élément qui a rassuré les opérateurs tient à la confirmation que l’intelligence artificielle n’est définitivement pas une « hype » boursière mais bien une révolution technologique comme l’ont été internet et les smartphones. Les résultats du premier trimestre publiés par les grands noms de la technologie, Nvidia en tête, le confirment pour de bon.
Comme dans un mariage, entre les marchés financiers et Donald Trump « c’est pour le meilleur et pour le pire ». À l’approche de la moitié de l’année, les investisseurs ont déjà connu bien des émotions liées aux très nombreuses annonces du président américain et le seul enseignement que nous devons en tirer quant à la suite est que les soubresauts boursiers vont se poursuivre et qu’il est illusoire de croire que nous pouvons les prévoir. Le contexte macroéconomique général demeure largement incertain et les messages envoyés aux opérateurs sont à ce stade brouillés. Un grand nombre d’indicateurs économiques largement usités en temps normal pour jauger la conjoncture sont perturbés par les annonces tarifaires successives. Les quasi mesures d’urgence prises par bon nombre de sociétés dans le but de limiter l’impact des tarifs sur leurs résultats avant leur entrée en vigueur viennent en effet fausser temporairement certaines données macroéconomiques.
Il s’agit donc de rester pragmatique face à l’incertitude et de laisser se dessiner le nouveau paysage économique à venir, notamment en termes de commerce international. Cependant, fermer les yeux et attendre n’est pas une stratégie crédible en investissement, la patience n’étant pas l’inaction. Au-delà de la sinueuse question des tarifs et des niveaux finaux de ces derniers auxquels le commerce mondial devra s’adapter, il parait important de nous focaliser sur le consommateur américain et également de manière plus large sur la crédibilité économique des Etats-Unis, dont le niveau de la dette et la forme actuelle du billet vert inquiètent quelque peu.
Il parait important de nous focaliser sur le consommateur américain et également de manière plus large sur la crédibilité économique des Etats-Unis
Sans surprise, les différents indicateurs de sentiment du consommateur sont mauvais. En effet, il parait logique que les enquêtes d’opinion actuelles mettent en exergue l’incertitude ressentie par un grand nombre d’américains face aux différents messages envoyés par leur président, dont la liste des tarifs détaillée le 2 avril dernier laisse augurer d’un ralentissement économique plus marqué qu’anticipé en début d’année, avec pour conséquence de potentiels plans de licenciement et donc plus de difficultés à trouver un emploi et négocier un salaire élevé.
En toile de fond de ces considérations conjoncturelles, il y a aussi la question du déficit public américain, dont la trajectoire n’a pas changé depuis l’arrivée de la nouvelle administration républicaine. N’en déplaise notamment à Elon Musk, dont la fin de sa mission à la tête du DOGE (Department Of Government Efficiency) ressemble furieusement à un aveu d’impuissance. Le principal intéressé a lui-même récemment déclaré que la solution pour réduire les dépenses américaines passait finalement par une forte hausse de la productivité, laissant de nombreux économistes pour le moins songeurs sur la façon d’y parvenir.
De manière très concrète, les marchés obligataires ont fait part de leurs doutes en mai face à l’endettement de certains grands pays développés. Ainsi, les « enchères » permettant aux états de se refinancer en vendant des obligations gouvernementales de long terme n’ont pas vraiment été de tout repos au Japon et aux Etats-Unis, nécessitant des rendements plus élevés pour trouver preneur. Un coup d’œil sur le niveau des taux très longs japonais illustre cette tension récente. Un autre signe de la montée en puissance des craintes concernant la dette est bien sûr l’abaissement par l’agence de rating Moody’s de la note de crédit américaine.
Côté européen, le mois de mai aura également été un bon cru, les indices actions du vieux continent rebondissant dans le sillage de leurs homologues américains, conservant ainsi leur confortable avance sur ces derniers pour l’année en cours. Là encore, une volteface du président Trump a rapidement fait suite à une nouvelle déclaration fracassante dans laquelle le seuil de 50% de tarifs sur les produits européens avait été brandi, avant qu’une « pause » jusqu’en juillet ne soit finalement adoptée… « The art of the deal », probablement.
Au-delà des péripéties tarifaires, il parait probable que la BCE baisse à nouveau ses taux en juin, se rapprochant cette fois de son taux terminal. Cependant, la croissance économique de l’Union demeure quasiment amorphe, bien qu’en territoire positif. Nous restons attentifs au niveau de la dette française, avec lequel les marchés obligataires pourraient à un moment donné se montrer moins complaisants, à l’image des évènements évoqués plus haut au Japon notamment.
Un mot sur la Chine enfin, dont l’actualité tarifaire ne doit pas faire oublier la relative faiblesse de la reprise économique. La longue période de marasme post-covid marquée notamment par une grave crise immobilière et des perspectives démographiques peu réjouissantes ne donne encore que trop peu de signes concrets « d’une sortie par le haut » pour que les investisseurs internationaux reviennent sur les marchés actions chinois. À noter cependant que le pays semble proche de faire jeu égal avec les Etats-Unis dans la course à l’intelligence artificielle. Il n’est dès lors pas exclu qu’une reprise plus durable des marchés boursiers chinois prenne appui sur le secteur de la technologie.
Ce tour d’horizon des trois grandes zones économiques n’apporte que peu de certitudes pour les prochains trimestres, mais il est important de garder à l’esprit que les marchés actions ont su fortement rebondir au cours des dernières semaines et qu’à ce stade le parcours chaotique des négociations tarifaires provoque avant tout de la volatilité sur les marchés sans pour autant forcément condamner les actions à subir une forte compression de multiples.
C’est bien sur l’obligataire qu’il faut rester très attentif, notamment concernant l’évolution de la dette américaine et de son attrait auprès des investisseurs internationaux. Plus que jamais, le pays de l’oncle Sam a besoin de pouvoir se refinancer sereinement au cours des prochains trimestres sans que le coût du service de la dette publique ne devienne incontrôlable.
Plus que jamais, le pays de l’oncle Sam a besoin de pouvoir se refinancer sereinement au cours des prochains trimestres sans que le coût du service de la dette publique ne devienne incontrôlable
Notre scénario central demeure celui d’une économie américaine qui évitera la récession en 2025 et dont la croissance demeurera faiblement positive. Le mois de mai a permis d’éloigner quelque peu l’hypothèse d’une dégradation très importante du commerce mondial, l’administration Trump semblant tout de même bien comprendre que la poursuite d’un fort volume d’échanges tant avec la Chine qu’avec l’Europe était nécessaire dans un environnement où la pression du marché obligataire sur la dette américaine s’est accentuée.
Il parait très probable qu’encore bien des péripéties attendent les investisseurs cette année, qu’il s’agisse des tarifs ou encore du destin du désormais célèbre « One Big Beautiful Bill Act » soit le nom donné par l’administration Trump à un immense plan de réformes comprenant des baisses d’impôts d’une ampleur inédite. L’humour restant de mise à Washington…
Nos allocations ont largement profité du rebond des marchés en mai et nous les conservons en l’état. La diversification apportée par les différents éléments qui composent nos portefeuilles nous permet de dormir sur nos deux oreilles dans les périodes de turbulences, sans pour autant nous ôter l’opportunité de profiter de phases d’optimisme sur les marchés actions. La gestion active est clairement privilégiée sur ces derniers. Nous continuons à nous exposer à différentes parties des courbes obligataires gouvernementales ainsi qu’aux obligations d’entreprises de bonne qualité. Enfin, nous faisons toujours la part belle à l’or et au cash, deux actifs très utiles face à l’instabilité actuelle qui entoure les marchés financiers. À court terme, le marché actions devrait manquer d’élan, comme c’est le cas depuis la mi-mai, la saison des résultats étant terminée. Il perd ainsi un important soutien.
S’attendre à l’inattendu fait partie du guide de l’investisseur avisé sous l’ère Trump 2.0. Diversification et pragmatisme sont nos deux meilleurs alliés dans l’environnement actuel et comme nous l’indiquions dans ce même feuillet précédemment, plus de volatilité n’implique pas nécessairement de mauvaises performances mais demande aux investisseurs de garder la tête froide sans pour autant tomber dans l’attentisme. Nos choix d’investissement sont marqués mais leurs pondérations sont raisonnables dans les portefeuilles et, surtout, notre conviction principale reste celle de la diversification.