MAI 2025 | NO 05

MARKET INSIGHT – Mai 2025

MARKET INSIGHT

L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.

Le jour d’après…

Le mercredi 2 avril 2025 a potentiellement marqué un tournant dans la trajectoire économique américaine. Proclamé comme le « jour de la libération » par le président Trump, cette journée restera dans les livres d’histoire comme celle marquant la fin d’une certaine idée du commerce mondial. On retiendra l’image du président américain brandissant un large tableau détaillant des droits de douanes, souvent exorbitants, applicables à la vaste majorité des « partenaires » commerciaux des Etats-Unis. 

Face à de telles annonces, la réaction boursière ne s’est pas faite attendre, les marchés prenant peu à peu conscience des impacts « en cascade » de ces nouveaux tarifs douaniers, tant pour les résultats à venir des entreprises que pour l’économie mondiale. Durant le mois d’avril, les opérateurs ont fréquemment été ballotés au gré de déclarations souvent contradictoires de l’administration Trump quant à l’entrée en vigueur concrète des tarifs ou à d’éventuels « deals » commerciaux à venir. À cela est venu s’ajouter une surenchère grotesque des droits de douanes entre la Chine et les États-Unis, chacun des deux mastodontes de l’économie mondiale voulant démontrer qu’il ne cèderait pas. En résumé un nouveau monde bien incertain.

Si l’on devait trouver un acronyme accrocheur pour décrire ce qui influence actuellement les bourses mondiales, il serait opportun de parler des 3 « t » :  Trump, tariffs, trust. Attention cependant de ne pas confondre ces 3 « t » là avec le groupe de musique américain 3T, formé à l’époque par trois des neveux de Michael Jackson et qui connut son heure de gloire vers la fin des années 90.

Toute plaisanterie mise à part, il est juste de mentionner que durant le dernier mois écoulé ce sont bien les deux premiers « t » mentionnés qui ont fait et défait les séances boursières. Les déclarations répétées du président Trump, souvent teintées de contradiction, n’ont pu qu’inciter les investisseurs à la prudence quant aux perspectives à venir des sociétés cotées en bourse. Il parait cependant très important de parler du troisième « t » évoqué plus haut : trust, autrement dit la confiance des intervenants dans le système financier.

La guerre commerciale déclarée le 2 avril dernier par les Etats-Unis lors du « Liberation Day » a rapidement eu pour conséquence d’effriter la confiance que portent les investisseurs internationaux à l’Amérique

En effet, la guerre commerciale déclarée le 2 avril dernier par les Etats-Unis lors du « Liberation Day » a rapidement eu pour conséquence d’effriter la confiance que porte les investisseurs internationaux à l’Amérique. Le dollar s’est fortement déprécié au cours des dernières semaines, en parallèle d’une forte remontée des taux longs américains. En d’autres termes, la confiance internationale envers les obligations d’Etat américaines, qui sont dans une certaine mesure le « collatéral » du système financier international, a quelque peu vacillé. Ceci nous rappelle que le niveau de la dette publique américaine implique que le pays ne peut tolérer la moindre crise de confiance dès lors qu’il s’agit de se refinancer. Si tel devait être le cas, les marchés financiers se retrouveraient alors dans une situation quasiment inédite… et dangereuse.   

Sans qu’il soit possible de l’affirmer, il semble que le début de tempête obligataire connu mi-avril ait été plus efficace que la chute de l’indice S&P 500 des dernières semaines pour faire revenir le président américain a (un peu) plus de retenue dans ses déclarations. Malgré le fait qu’il ait ensuite ajouté une couche d’incertitude supplémentaire en critiquant violemment l’attitude de la Réserve Fédérale américaine et en évoquant, durant un temps, l’hypothèse d’un renvoi de Jérôme Powell, Donald Trump a semblé au cours des derniers jours du mois adopter une attitude moins véhémente concernant les tarifs douaniers, mettant en avant l’imminence de « deals » et une série d’exemptions/traitements spécifiques de certains produits, dont les semi-conducteurs.

Cette nouvelle donne commerciale et l’immense incertitude qui règne actuellement concernant les dynamiques économiques à venir nous poussent à revoir notre scénario central pour 2025. Là où nous pouvions légitimement nous attendre à une poursuite de « l’exceptionnalisme américain » en termes de croissance, nous devons désormais intégrer une bien moindre vigueur de cette dernière. Tant les consommateurs que les entreprises vont devoir réduire la voilure face à l’incertitude actuelle, qu’ils s’agissent de dépenses de consommation pour les uns ou de plans d’investissement pour les autres.

Dans ce contexte et alors que la saison des résultats a commencé, nous devons désormais faire preuve d’un réalisme prudent. A priori et malgré le ralentissement économique américain qui se dessinait déjà avant les annonces du 2 avril, les résultats de sociétés au premier trimestre devraient être bons. L’incertitude liée aux immenses plans d’investissement dans le domaine de l’intelligence artificielle devrait trouver quelques éléments de réponse dans le discours des mammouths de la technologie, alors que l’épisode « Deepseek » avait déjà mis un sérieux coup de frein à l’engouement boursier pour le secteur après, il est vrai, deux années de très forte croissance.

Il n’en demeure pas moins que, plus globalement, cette saison des résultats va être marquée par des perspectives probablement très prudentes des sociétés, voire même inexistantes, comme c’était le cas en 2020. En effet, comment donner des perspectives aux investisseurs sans savoir précisément dans quelle mesure les coûts de production de très nombreux produits vont être impactés par les tarifs de l’administration américaine ? On pense par exemple à Apple, dont on estime que 90% de la production est réalisée en Chine…

Du côté du consommateur américain que nous avons si souvent décrit dans ce feuillet comme la locomotive de l’économie de l’Oncle Sam, la donne a aussi radicalement changé depuis le 2 avril. Les tarifs douaniers voulus par le président Trump impliquent mécaniquement de l’inflation sur de nombreux produits du quotidien. Il est bien sûr illusoire de penser que l’économie américaine produit des substituts « Made in USA » à tous les biens fabriqués à l’étranger et consommés sur son territoire. Qui dit inflation dit également taux d’intérêt, et l’on comprend dès lors la situation bien compliquée dans laquelle se trouve la FED, dont la reprise du processus de baisse des taux est contrariée par un probable rebond inflationniste à venir si des tarifs tels que ceux présentés début avril viennent impacter les prix aux Etats-Unis.

Tous ces éléments nous amènent à penser que l’économie américaine va vivre une période transitoire d’important ralentissement, ramenant sa croissance entre 0 et 1%, bien loin des chiffres des deux dernières années. Il parait évident que le président Trump annoncera prochainement, dans son style inimitable, quelques « deals » commerciaux dont il ne manquera certainement pas de se féliciter. En revanche, ce sont bien les relations avec la Chine et l’avancée vers des accords tarifaires raisonnables de part et d’autre qui détermineront si oui ou non l’économie mondiale peut reprendre le chemin qui était le sien avant le « Liberation Day ». En l’état actuel des choses, les tarifs promis par les administrations américaine et chinoise mettent quasiment à l’arrêt les échanges commerciaux entre les deux pays.

En l’état actuel des choses, les tarifs promis par les administrations américaine et chinoise mettent quasiment à l’arrêt les échanges commerciaux entre les deux pays

Cet important changement de dynamique économique et la révision à la baisse de nos attentes concernant la croissance américaine nous ont bien sûr amenés à modifier nos allocations d’actifs sans toutefois céder à une quelconque panique. Nous nous sommes notamment séparés de notre investissement passif sur les moyennes capitalisations américaines. Ces dernières seront logiquement impactées par le probable recul de la consommation aux Etats-Unis. De plus, l’environnement de taux d’intérêt que nous attendons désormais devrait accentuer la pression financière sur ces entreprises de moyenne taille.

Nous avons également modéré le risque lié à notre exposition à l’indice S&P 500, en optant pour un produit à capital garanti, en remplacement d’une partie de notre position. Enfin, et c’est un point important de notre gestion de la situation actuelle, nous nous sommes montrés très flexibles à l’intérieur des produits actions gérés en interne, n’hésitant pas à augmenter leur part de cash. Ces mouvements ont un impact non négligeable sur l’exposition concrète aux actions de nos portefeuilles.

À ce stade et dans un environnement que nous pensons toujours très incertain, nous notons que nos allocations ont traversé le mois d’avril de manière résiliente. La construction de portefeuille nous permet une fois de plus de ne pas nous retrouver dans des situations compliquées où il serait facile de prendre de mauvaises décisions de gestion. Notre exposition à l’or, qui a continué à aller de plus haut en plus haut, et la robustesse des poches obligataire et alternative des portefeuilles ont permis d’atténuer les chocs provenant des marchés actions et de la baisse importante du dollar.

Le président Trump a d’ores et déjà fait de 2025 une année particulière pour les marchés financiers. Il est trop tôt pour affirmer qu’elle sera mauvaise mais il est déjà temps de dire qu’elle demande plus d’agilité dans la gestion et surtout du réalisme quant aux perspectives des entreprises et des consommateurs. Nous ferons preuve ni d’un optimisme naïf, ni d’un pessimisme injustifié, mais tenterons plutôt d’adapter nos allocations en fonction des revirements du commerce mondial.