MAR 2025 | NO 03

MARKET INSIGHT – Mars 2025

MARKET INSIGHT

L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.

Quand la musique ralentit un peu

Février pourrait être vu comme un mois de paradoxes. Un marché américain en baisse, comme soudain pétri de doutes quant à « l’exceptionnalisme » des Etats-Unis et même certaines craintes concernant la rentabilité concrète des immenses plans d’investissement liés à l’intelligence artificielle. Dans le même temps, ce sont les actions européennes qui ont poursuivi leur excellent début d’année, sans pourtant qu’un vent d’optimisme nouveau ne souffle sur les économies de l’UE.

L’agitation du président américain et, dans une moindre mesure, celle de son fidèle second Elon Musk semblent refroidir quelque peu les ardeurs de certains investisseurs, qui avaient sans doute oublié à quel point la stratégie de communication estampillée Trump peut être déroutante dès lors qu’il s’agit d’investir. Entre les multiples annonces de tarifs ou encore l’utilisation de méthodes singulières (pour ne pas dire autre chose) en vue d’un cessez le feu en Ukraine, l’attitude de la Maison Blanche aura ajouté une couche d’incertitude dans un marché scrutant déjà le moindre signe de ralentissement de l’économie américaine.

Les films américains dépeignant l’univers de Wall Street sont souvent caricaturaux et véhiculent une certaine image de la finance auprès du grand public. L’excellent « Margin Call », sorti en 2011, ne s’inscrit pas dans cette lignée et décrit la prise de conscience d’un jeune ingénieur travaillant pour une grande banque d’investissement que le bilan de cette dernière est truffé de « subprimes », compromettant sa pérennité. L’une des scènes les plus connues du film est celle où le jeune employé explique en pleine nuit au conseil d’administration de la banque la dangerosité immédiate de la situation. Devant l’agacement du cynique propriétaire, magistralement joué par Jeremy Irons, et peu réceptif aux termes techniques de sa jeune recrue, cette dernière tente une analogie. Il explique que dans un jeu de chaises musicales, la musique a récemment ralenti sans pour autant s’être arrêtée.

La crise des subprimes fait partie du passé et la comparaison entre la situation actuelle des marchés et celle qui prévalait en 2008 n’a pas lieu d’être. Cependant, pour d’autres raisons, on a le sentiment que durant ce mois de février la musique a quelque peu ralenti.

Les premières mises en application de la rhétorique tarifaire du président Trump, couplées à l’émergence de doutes quant au bien-fondé du gigantisme des investissements dans l’écosystème de l’IA (data centers, énergie, semi-conducteurs) et bien sûr une situation géopolitique demeurant très incertaine, avec en point d’orgue le « cavalier seul » de Donald Trump dans la résolution du conflit en Ukraine, sont autant de vents contraires pour la confiance des investisseurs.

Globalement, le consensus d’une économie américaine forte en 2025 demeure mais l’inflation est toujours un sujet de préoccupation majeure

Globalement, le consensus d’une économie américaine forte en 2025 demeure, mais l’inflation est toujours un sujet de préoccupation majeure. Les dernières données du CPI américain restent clairement au-dessus du niveau demandé par la FED pour poursuivre son processus de baisse des taux d’intérêt et les salaires apparaissent désormais comme la donnée clé à surveiller au pays de l’Oncle Sam.

En Europe, février a surtout été marqué par les élections allemandes pour lesquelles il était légitime de redouter une percée de l’extrême droite. Les résultats des urnes ont finalement confirmé les sondages avec une victoire de la droite traditionnelle. Cependant, la recherche d’une coalition excluant l’AFD, arrivée seconde, va se révéler compliquée. Moins d’incertitudes électorales donc, mais une situation politique délicate supplémentaire au sein de l’Union, en plus de celle de la France.

Autre actualité marquante pour le vieux continent ces dernières semaines : l’attitude récente de « l’allié » historique américain. Le discours pour le moins marquant du vice-président JD Vance à Munich et le sentiment d’être relégué au second plan sur le front de la résolution du conflit en Ukraine semblent marquer un tournant dans la dynamique des relations entre l’Europe et les Etats-Unis. Comme pour la crise énergétique en 2022, cela pourrait avoir le mérite de « réveiller » les Etats membres et contribuer à atténuer l’image, réelle ou fantasmée, de belle endormie souvent associée à l’Europe.

Pour poursuivre dans les paradoxes, février a aussi donné lieu à une hausse marquée des actions chinoises, sans pour autant que des mesures précises ne soient annoncées par le gouvernement de Pékin afin de sortir le pays de la piètre situation conjoncturelle qui prévaut depuis désormais de nombreux trimestres. Les investisseurs ont salué l’entrée « officielle » des poids lourds de la tech chinoise dans la course à l’IA et la réapparition surprise du patron d’Alibaba, Jack Ma. Quelques signaux ici et là semblent indiquer que Pékin pourrait adopter une attitude plus « business oriented » envers ses champions nationaux, à l’heure où le président Trump parait, lui, bien décidé à montrer les muscles américains en matière de leadership technologique et où son rapprochement avec Moscou pourrait isoler la Chine.  

Si nous descendons d’un cran dans notre rapide tour d’horizon, il est bon de rappeler que février a également vu de nombreuses publications d’entreprises, celle de Nvidia, l’une des plus attendues, venant tout juste de sortir. Sans entrer dans les détails des résultats annoncés, on peut dire à ce stade que le côté exceptionnel des chiffres du numéro un des semi-conducteurs est désormais en ligne avec les attentes, elles aussi exceptionnelles, des investisseurs. D’où moins d’effet de surprise et a priori une certaine normalisation.

De manière générale, il convient de garder en mémoire qu’en 2025, malgré des résultats souvent bons, les « Magnificient 7 » ne sont de loin pas la locomotive de l’indice S&P 500. Le marché américain aura plutôt vécu une intense rotation sectorielle en février. Le secteur de la technologie perdant une partie de son momentum, ce sont ceux de la santé, des financières (assurances notamment) et de la consommation de base qui ont profité de ce changement de cap des opérateurs. De même, les valeurs européennes (suisses y compris), bien aidées par un effet de rattrapage vis-à-vis de leurs homologues américaines, ont également eu les faveurs des investisseurs.

Comme indiqué dans ce feuillet il y a un mois, plus de volatilité ne signifie pas forcément moins de performance. Février n’a pas été marqué par de fortes secousses pour les actions mais aura donné lieu à quelques rappels concernant l’importance de la diversification, notamment en termes sectoriel et géographique.

Le quasi-surplace du marché américain n’a à ce titre pas empêché nos allocations de performer durant les dernières semaines. L’exposition directionnelle aux secteurs de la santé, de la consommation de base et aux services financiers, nos investissements diversifiés en actions européennes et suisses, ainsi que les poches obligataires et alternatives (comprenant l’or) des portefeuilles ont su compenser un indice S&P 500 dont le moteur technologique a connu une panne.

Il convient de garder en mémoire qu’en 2025, malgré des résultats souvent bons, les « Magnificient 7 » ne sont de loin pas la locomotive de l’indice S&P

Nous attachons beaucoup d’importance au couple risque/rendement de nos allocations multi-actifs. Il nous faut proposer suffisamment de « punch » pour capter les phases de hausse, tout en conservant des stratégies flexibles capables d’amortir les chocs lorsqu’ils se produisent.

A ce titre, la part obligataire de nos portefeuilles, tant en termes de segments de marché que de duration, allie réactivité et protection.

L’importante diversification de notre part actions ne l’empêche pas d’être directionnelle. Autrement dit, nous capturons les mouvements haussiers de marché de manière satisfaisante, sans pour autant devoir prendre des risques inconsidérés.

Enfin, comme à l’accoutumée, il est bon de rappeler une fois de plus l’importance des stratégies alternatives détenues dans nos portefeuilles, à l’instar de notre position en or. Les vertus décorrélantes de cette partie de nos allocations ont été éprouvées ces dernières années, dans des environnements de marché bien différents. Le retour d’un peu plus de volatilité devrait offrir un « terrain de jeu » adéquat à ces produits cette année.

Ce rapide tour d’horizon des dernières semaines ne nous amène aucunement à changer notre fusil d’épaule quant au scénario central de 2025. Pour reprendre l’analogie de « Margin call », la musique montre quelques signes de ralentissement mais le tempo de cette dernière était élevé depuis deux ans et un changement de rythme ne doit pas être confondu avec une fausse note.