SEPTEMBRE 2023 | NO 9

MARKET INSIGHT – Septembre 2023

MARKET INSIGHT

L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.

Chers passagers, nous amorçons notre descente

À force d’entendre parler depuis des mois « d’atterrissage » en douceur de l’économie américaine nous avions fini par nous demander si d’atterrissage il y aurait vraiment tant la vigueur de cette dernière semblait importante. En effet, les admirateurs comme les critiques des banquiers centraux s’évertuent depuis désormais pas mal de temps à dépeindre soit un scénario de « soft landing » de la première économie mondiale soit celui d’un « hard landing » de cette dernière.

Si nous devions imager ces deux perspectives, il serait tentant de représenter Jérôme Powell aux commandes du plus gros avion du monde, approchant une piste d’atterrissage plutôt courte et étroite, avec pour objectif que le retour sur la terre ferme se déroule sans encombre pour tous les passagers.

Août aura apporté aux investisseurs quelques signaux, tant macroéconomiques qu’au niveau des entreprises, que l’avion a amorcé sa descente et ce, sans trop d’à-coups jusqu’à présent.

Ce n’est pas vraiment de la bouche des banquiers centraux depuis le symposium de Jackson Hole, grande messe annuelle de la politique économique et monétaire, que nous aurons appris quelque chose de nouveau. Sans surprise, dans un discours consensuel et sans grande saveur, M. Powell a plus ou moins acté la pause de la hausse des taux et s’est placé en mode « data dependent » autrement dit, la réserve fédérale américaine devrait désormais observer les effets de la hausse de taux des derniers trimestres sur les chiffres d’inflation et maintenir ses taux directeurs au niveau actuel.

L’Europe de son côté est un peu en retard dans ce processus et nous anticipons que la BCE choisira une posture identique à son homologue américaine après une dernière hausse de taux.

Sur les marchés financiers, les opérateurs sont souvent trop pressés et l’impatience est une caractéristique très répandue dès lors qu’il s’agit d’investissement.

Ces derniers trimestres en ont été une belle illustration avec des économies qui ont longtemps semblé comme imperméables au violent resserrement des conditions monétaires mis en place par les grands argentiers dans le but de juguler l’inflation. Le ralentissement pourtant assez net des secteurs industriels étant plus que compensé par la vigueur de ceux des services, en particulier ceux liés à la technologie.

Mais comme souvent, tout vient à point à qui sait attendre et le coût actuel élevé du capital commence à faire apparaitre des signes plus concrets de refroidissement de l’économie américaine, particulièrement au travers du consommateur.

 Il semble en effet que le consommateur américain commence à faire un peu plus ses comptes (ou ses fonds de tiroir) qu’il y a quelques mois de cela.

Même si nous sommes encore loin d’un fort ralentissement général, autrement dit d’une « récession dure » de l’économie américaine, il semble en effet que le consommateur américain commence à faire un peu plus ses comptes (ou ses fonds de tiroir) qu’il y a quelques mois de cela.

Tant les chiffres du Q2 annoncés par la plupart des grands détaillants du pays de l’Oncle Sam, que leurs perspectives, n’étaient guère encourageants, mettant en lumière les premiers signes d’un changement de la situation du consommateur. L’augmentation des retards de paiement sur les factures de cartes de crédit ou encore le point bas des demandes de prêts hypothécaires sont autant d’éléments qui nous font dire que la transmission à l’économie de la hausse des taux est de plus en plus visible.

Parallèlement à cela, les données d’inflation ont continué leur décrue même si nous pensons que l’objectif des 2% ne sera pas atteint dans les prochains trimestres. Quelques soubresauts passagers, amenés par des prix de l’énergie en hausse, pourraient même venir redonner des sueurs froides aux investisseurs qui continueront de scruter l’attitude de la FED.

La perspective d’un changement de cible d’inflation vers un nouvel objectif de 3%, hypothèse assez largement évoquée au cours des derniers trimestres, parait désormais peu crédible, les banquiers centraux ayant tenu leurs lignes, sans provoquer à ce jour de catastrophe boursière.

Ceci étant dit, la réaction baissière des marchés actions et obligataires, principalement durant les deux premières semaines d’août, n’est de loin pas illogique. En effet la hausse des rendements américains (le taux de l’emprunt à 10 ans a atteint durant le mois son plus haut depuis 15 ans) explique en grande partie le mois difficile des actions à durations longues et la tension sur le prix des obligations d’entreprise. De la même manière le renforcement du billet vert et la baisse concomitante du prix de l’or sont des développements logiques.

La situation chinoise est également à considérer car, après des attentes de retombées économiques positives post réouverture finalement bien trop élevées, ce sont certains « vieux » dossiers qui sont revenus sur le devant de la scène en août, notamment celui d’un potentiel effondrement du secteur immobilier.

Cela n’a évidemment pas aidé le sentiment de marché, même si les développements récents et notamment les mesures prises par le gouvernement de Pékin semblent avoir réussi à rassurer (temporairement ?) les investisseurs. Les performances boursières des marchés d’actions chinoises en 2023 restent cependant très éloignées de celles de leurs homologues américains et européens.

En termes d’allocation d’actifs, le recul contenu du mois d’août ne nous a nullement incités à revoir notre approche. Notre scénario central demeure celui d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine dans les prochains mois sans passer par la case récession, du moins en 2023.

L’Europe devrait quant à elle également réussir à limiter les impacts négatifs de sa lutte contre l’inflation mais avec retard vis-à-vis des Etats Unis et peut être dans une ampleur un peu plus faible, la structure des économies européennes étant bien différente.

Nous maintenons notre sous- pondération sur la zone émergente, les problèmes chinois évoqués plus haut nous paraissant à ce stade un frein important à une vraie relance de l’économie du pays.

La perspective d’un changement de cible d’inflation vers un nouvel objectif de 3%, hypothèse assez largement évoquée au cours des derniers trimestres, parait désormais peu crédible

Côté obligataire, notre approche diversifiée, tant en termes de type d’obligations (gouvernementales vs d’entreprises) que de segments (investment grade, haut rendement à duration courte et convertibles) permet de contribuer positivement à la performance de nos portefeuilles et ceci dans une année où les résultats des indices obligataires globaux se révèlent à fin août plus neutres que ce nous pouvions anticiper il y a quelques mois. Ceci n’altère pas notre conviction que les actifs à rendement fixe continueront d’offrir de belles opportunités de gains dans l’environnement des prochains mois que nous anticipons.

Enfin, nous restons fermement convaincus de l’intérêt de détenir des stratégies alternatives liquides dans nos allocations, tant sur les actions que les obligations. L’or reste également une position sur laquelle nous maintenons notre conviction et qui devrait regagner de l’attrait aux yeux des investisseurs, surtout en cas de détente des rendements américains et d’un dollar moins robuste qu’au cours de ces dernières semaines estivales.

Aux deux tiers de l’année, il nous parait important de tenir le cap de notre scénario central et donc de nos allocations. L’économie américaine ne devrait pas connaitre de récession en 2023 et la FED réussit à ce stade son pari de refroidir la machine sans pour autant tuer la croissance. L’Europe ne démérite de loin pas dans ce même processus périlleux et le retard de quelques mois que semble accuser la BCE vis-à-vis de la FED ne signifie en rien que l’objectif ne sera pas atteint. 

Enfin, il est toujours bon de rappeler qu’une fois de plus la saison des résultats aura été globalement bonne, repoussant les traditionnelles prévisions trop alarmantes au trimestre suivant. Nous restons cependant sélectifs sectoriellement, la technologie, la santé et les assurances gardant notre préférence.

La confiance en ses convictions est assurément l’une des clés de l’investissement à long terme. La confirmation, mois après mois, de la réalisation de notre scénario central d’un ralentissement gérable des économies développées et du succès de leurs banquiers centraux dans la lutte contre l’inflation renforce les nôtres à l‘aube de la dernière partie de l’année.