AVRIL 2023 | NO 4

MARKET INSIGHT – Avril 2023

MARKET INSIGHT

L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.

Un premier trimestre encourageant mais quelques doutes…

Alors que le premier quart de l’année vient de s’achever en territoire solidement positif pour la plupart des grands indices actions et obligataires, force est de reconnaitre que de violentes bourrasques de volatilité, principalement liées aux craintes d’une crise bancaire, ont balayé le paysage économique et financier des trois premiers mois de 2023.

Tout avait pourtant commencé idéalement en janvier avec quelques bonnes surprises porteuses d’espoir après une année 2022 très pénible pour la plupart des grandes classes d’actifs. La réouverture surprise de la Chine couplée à la chute des prix de l’énergie et des discours moins alarmants de la part des gouvernements européens au sujet de potentielles pénuries d’électricité avaient donné lieu à un impressionnant rallye des actifs risqués. Les premiers signes de ce début d’année quelque peu euphorique avaient cependant été rapidement refroidis par des données d’inflation toujours élevées et des banquiers centraux finalement moins enclins qu’espéré à assouplir le discours du resserrement monétaire.

Mars a dès lors amené de nouveaux éléments très concrets à la conjoncture actuelle et à l’interprétation qu’en font les opérateurs. Comme le dit le dicton: « la FED casse toujours quelque chose » et ce n’est pas ici une façon bien maladroite de critiquer le travail délicat des banquiers centraux mais plutôt de rappeler que les hausses de taux d’intérêts répétées fragilisent le système financier et agissent comme un révélateur des parties les plus faibles de ce dernier. Ainsi la Silicon Valley Bank a dû se résoudre à une mise en faillite le 10 mars dernier, poussée dans ses retranchements par des retraits de plus en plus importants de ses clients et finalement contrainte de vendre à perte une large partie de son portefeuille obligataire lui-même mis à mal par la hausse des taux d’intérêts.

Dans son sillage la plupart des banques régionales américaines ont fortement vacillé, forçant Janet Yellen à envisager de garantir la totalité des dépôts américains afin de ne pas voir des files d’attentes se créer rapidement devant les guichets des banques aux 4 coins du pays. Le spectre de la crise financière de 2008 est ainsi réapparu soudainement là où tout le monde avait les yeux rivés sur d’autres sujets comme l’inflation persistante ou encore des tensions géopolitiques toujours préoccupantes.

Les bourrasques essuyées par le marché ne se sont pas
transformées en ouragan

Nous n’étions cependant pas au bout des surprises réservées par le mois de mars. En effet quelques jours après c’était cette fois la Suisse qui retenait son souffle alors que le cours de l’action Crédit Suisse enchaînait les plus bas historiques tandis que le management ne cessait de rappeler la solidité du bilan de la banque. En un week-end les autorités devaient se résoudre à prendre la décision probablement la plus controversée de l’histoire bancaire helvétique et annonçaient le dimanche 19 mars le rachat de Crédit Suisse par l’UBS dans le but de rétablir la confiance.

Il va sans dire que ces évènements, de part et d’autre de l’Atlantique, auxquels nous pouvons ajouter quelques séances boursières agitées pour les banques européennes en fin de mois (liées cette fois à des craintes concernant la Deutsche Bank) ne sont pas de nature à nous rassurer et ce malgré la réaction des marchés, notamment actions, qui ont fait preuve d’une étonnante résilience dans la tempête bancaire récente.

Alors qu’en est il vraiment de la situation actuelle et pourquoi n’a-t-on pas (encore?) assisté à une baisse importante des marchés actions?

La réponse tient probablement dans le mot «confiance» dans un sens comme dans l’autre. Dans le premier cas c’est bien la confiance détériorée des épargnants qui a lancé le processus de «bank run» qu’il s’agisse de SVB ou de Crédit Suisse. La crainte de voir son épargne partir en fumée a fait naître une spirale négative de laquelle ces deux institutions n’ont pu se sortir, se soldant par une faillite et un rachat express.

Mais d’un autre côté c’est aussi la confiance dans les institutions qui a permis de ne pas connaître une contagion rapide de retraits massifs à tout le système financier, ce qui aurait sans nul doute mis à mal les bourses mondiales dans des proportions importantes. Les bourraques essuyées par le marché ne se sont pas transformées en ouragan.

Dès lors que penser de la période à venir et avec quelle allocation y faire face? De nombreuses questions restent ouvertes après ce premier trimestre tumultueux mais finalement positif pour nos allocations.

Tout d’abord la relation inflation /resserrement monétaire devrait sans grande surprise commencer à quitter le devant de la scène. La FED arrive au bout de son travail de «refroidissement» de l’économie américaine et nul doute que Monsieur Powell sait désormais que les fissures entrevues en mars dans le système bancaire américain ne doivent pas s’élargir davantage. Un discours dès lors plus accommodant devrait réjouir les investisseurs, même si ces derniers anticipent le fameux «pivot» depuis déjà de nombreuses semaines.

Sur le plan de l’inflation, l’effet de base mécanique inclus dans le calcul des grands indicateurs commence à se ressentir plus fortement, notamment pour la composante énergétique de ces indices. Ceci devrait tomber à point nommé pour justifier un discours plus «dovish» des grandes banques centrales.

C’est plutôt au niveau de l’activité économique que la visibilité sur les trimestres à venir est faible. En effet, la relation inverse souvent observée ces derniers mois consistant pour les marchés actions à réagir positivement à des chiffres économiques pourtant moins bons qu’attendus semble devoir bientôt se normaliser.

Le mécanisme du «bad news is good news», autrement dit l’interprétation d’un mauvais chiffre économique comme une étape de plus vers la fin du resserrement monétaire, devrait finir par laisser place à une relation plus logique entre nouvelles économiques et valorisation des actifs. Il y a dès lors fort à parier que les opérateurs, une fois rassurés sur la volonté des banquiers centraux de ne plus continuer à resserrer les conditions financières, seront très attentif à toute indication économique tangible qu’il s’agisse d’emploi ou de consommation au sens large.

Alors que la mode de «l’inflation» commence à montrer des signes de lassitude dans la bouche des investisseurs c’est désormais le terme de «récession» qui est désormais sur toutes les lèvres.

Bien malin celui qui sait aujourd’hui si l’activité économique va fléchir pour entrer en récession dès cette année et surtout dans quelle ampleur.

Nous n’entamons pas le second trimestre de l’année avec moins d’incertitudes que le premier

Alors qu’un assez large consensus semble croire au scénario d’un «soft landing» de l’économie américaine il convient sans doute de rester prudent quant à sa réalisation. Les semaines à venir devraient tout d’abord permettre de mesurer l’ampleur des dégâts de la crise de confiance que vient de traverser le système bancaire international. Puis, le début de la saison des résultats permettra comme chaque trimestre de confronter à la réalité du terrain les espérances des investisseurs.

Après avoir remonté en février le poids de la parts obligataire ainsi que celle des actions dans nos allocations pour revenir à une exposition quasi neutre vis-à-vis de nos benchmarks, il nous apparait dès lors sage de conserver cette légère sous pondération sur ces deux classes d’actifs afin de naviguer tactiquement dans l’environnement actuel.

La diversification demeure le mot d’ordre de notre exposition aux actifs risqués et nous faisons le choix de ne pas nous engouffrer plus que de raison dans le rallye des actions à longue duration, technologiques notamment, dont nous avons amplement profité au premier trimestre. Nous restons de même à l’écart du secteur bancaire jusqu’à ce que les doutes quant à la possibilité d’une crise plus profonde que celle que nous venons de traverser soient levés. Nous continuons enfin de privilégier les entreprises aux bilans solides, notamment industrielles et également défensives comme celles du secteur pharmaceutique.

Dans une logique similaire, la poche obligataire de nos portefeuilles demeure solidement diversifiée. La ruée vers les obligations gouvernementales et la hausse des spreads de crédit nous ont rappelé l’importance de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, y compris pour les actifs à revenus fixe. Nous exprimons cependant la volonté de rallonger quelque peu la duration, confirmant ainsi notre sentiment que le cycle de resserrement monétaire est désormais proche de son terme, particulièrement aux Etats Unis.

Nous conservons enfin nos investissements dans le métal jaune, l’or s’étant particulièrement illustré au premier trimestre dans le contexte mouvementé décrit précédemment et demeurant un excellent actif diversifiant dans les phases d’incertitude marquées.

Comme la plupart du temps, et encore plus depuis désormais trois ans, les évènements marquants et surtout imprévus se sont succédés pour entamer 2023. Le changement de ton radical de la Chine en janvier au sujet du Covid, la faillite éclair d’une banque américaine symbole d’une région considérée comme le cœur technologique du monde ou encore le rachat express de l’un des fleurons de l’économie Suisse par sa rivale de toujours nous rappellent que rien n’est vraiment certain et que tout peut arriver.

Le numéro d’équilibriste auquel se livrent les banquiers centraux pour contenir la flambée des prix n’est pas encore terminé et son issue tant en termes de résultats que de conséquences commence à peine à se dessiner. Il nous apparaît dès lors de bon augure de continuer de jouer la carte de l’optimisme prudent tout en gardant suffisamment d’agilité dans nos portefeuilles pour saisir des opportunités dont les fenêtres de tir se sont considérablement raccourcies depuis 2020 et le début du «roller coaster» monétaire marqué par les mesures Covid exceptionnelles puis par le resserrement le plus rapide de l’histoire.

Nous n’entamons pas le second trimestre de l’année avec moins d’incertitudes que le premier, certaines en ayant remplacé d’autres. Il convient néanmoins d’exprimer nos anticipations d’une croissance modérée des économies occidentales en 2023 et d’une continuation de la baisse de l’inflation, modérée elle aussi pour la partie CORE des indices.

Pour conclure gardons à l’esprit le célèbre adage selon lequel le marché a toujours raison. Si les anticipations actuelles de ce dernier concernant des baisses de taux aux Etats Unis dès 2023 venaient à se réaliser, provoquant potentiellement un rallye des actions en direction des sommets de 2021, alors nos allocations en bénéficieront pleinement. Nous n’en serions alors que plus agréablement surpris.