NOV 2024 | NO 11

MARKET INSIGHT – Novembre 2024

MARKET INSIGHT

L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.

Une dernière ligne droite…ou pas

Nous voici donc à quelques « encablures » de la ligne d’arrivée de 2024, comme pourrait le décrire le commentateur sportif d’une course de vélo ou d’un marathon. Lors de la prochaine parution de ce feuillet le marché aura intégré le résultat de l’élection américaine et bénéficiera d’une bonne visibilité sur la qualité de la saison des résultats du troisième trimestre. Les cours incluront également de nombreuses nouvelles données macroéconomiques permettant aux opérateurs d’évaluer l’ampleur du ralentissement américain et par conséquent l’attitude à venir de la FED.

L’heure du bilan n’a pas encore tout à fait sonné cette année et, malgré un mois de novembre particulièrement chargé, nous pouvons dire à ce stade que les marchés actions nous ont déjà beaucoup donné en 2024. L’expérience montre qu’en général l’entame d’une période plus incertaine, mais qui ne prend pas de court les opérateurs, n’est pas un environnement propice aux grandes manœuvres dans les portefeuilles. Dit autrement, l’échéance électorale américaine ne devrait pas déstabiliser outre mesure les marchés, quel que soit le verdict des urnes. Volatilité et mouvements sectoriels ne sont pas forcément toujours synonymes de consolidation.

Vous êtes-vous déjà intéressé au rôle exact du copilote lors d’un rallye automobile ? À première vue la tâche peut paraître ingrate relativement aux talents du pilote de la voiture, capable de maitriser l’art du coup de volant et du freinage lorsque la route devient sinueuse, le tout dans un temps record. Cependant, à y regarder de plus près, c’est bien le copilote qui mène le bal en instruisant le pilote avec des informations précises sur ce à quoi il doit se préparer au prochain virage.

À la veille de savoir qui de Donald Trump ou de Kamala Harris va diriger la première puissance mondiale durant les quatre prochaines années, les investisseurs, tout comme les pilotes de rallye, ne devraient pas se laisser surprendre par un virage inattendu. Les deux candidats, leur programme respectif et leurs différences sont connus depuis de nombreuses semaines et le marché a eu le temps de s’y adapter.

Guère plus de surprise à venir concernant la trajectoire des taux d’intérêt, tant aux Etats Unis qu’en Europe. Ils vont baisser et, bien que le taux terminal et la vitesse à laquelle il sera atteint vont continuer d’alimenter les débats, les opérateurs ont compris que là n’est plus la question principale à se poser.

L’hypothèse d’un virage mal négocié et donc d’une potentielle sortie de route des marchés actions pourrait venir d’une prise de conscience brutale d’un décalage entre niveaux de valorisation actuels et perspectives économiques réelles

L’hypothèse d’un virage mal négocié et donc d’une potentielle sortie de route des marchés actions pourrait venir d’une prise de conscience brutale d’un décalage entre niveaux de valorisation actuels et perspectives économiques réelles. En d’autres termes, le risque viendrait d’une dégradation soudaine et inattendue d’indicateurs économiques américains et/ou de résultats de sociétés décevants, démontrant ainsi que les opérateurs ont « rêvé trop grand » concernant, par exemple, les retombées de l’intelligence artificielle en espèces sonnantes et trébuchantes.

Ce dernier scénario n’a pas forcément nos faveurs, du moins pas dans l’immédiat. Les données ayant trait à l’économie américaine restent globalement de bonne facture dans la plupart des publications économiques récentes. Surtout, l’emploi demeure résilient aux Etats-Unis et c’est bien cette variable-là qui déterminera dans quelle mesure les consommateurs continueront d’être la locomotive du train américain.

Concernant l’intelligence artificielle, les résultats du Q3 déjà connus d’entreprises actives dans le segment des semi-conducteurs, comme LAM Research ou encore TSMC, ne laissent pas vraiment de place à l’inquiétude immédiate. Les déclarations récentes et toujours pleine d’enthousiasme de Jensen Huang, patron de Nvidia, à propos des ventes des puces « Blackwell », soit la technologie la plus aboutie commercialisée par la société, ne disent pas autre chose. La seule ombre au tableau pour le secteur est d’ordre politique, avec l’arrivée probable de restrictions de ventes vers la Chine des produits les plus avancés.  Cette éventualité pourrait d’autant plus assombrir les perspectives du secteur si c’est le candidat Trump qui retrouve la Maison Blanche en 2025.

Du coté du vieux continent, guère de nouveautés au cours du dernier mois. Le gouvernement Barnier a lancé les grandes manœuvres afin de donner un peu d’air à la France et éviter ainsi au pays une pression supplémentaire des marchés financiers due à la dégradation du déficit publique. Reste à savoir dans quelle mesure les initiatives annoncées seront mises en place et quelle sera la durée de vie du gouvernement sous sa forme actuelle.

Toujours en Europe, la morosité du secteur automobile n’est de loin pas un phénomène anodin, notamment pour l’économie allemande. Point de pessimisme excessif cependant. Les récents résultats de SAP démontrent par exemple que le succès technologique peut aussi être européen. Dans un autre registre, le recul récent du prix du baril va permettre à la BCE d’avoir les mains plus libres pour les besoins de sa politique monétaire. L’inflation importée sera mécaniquement moins importante.

Le marché chinois, qui a brièvement fait revivre à de nombreux investisseurs le frisson des belles années pré-Covid, a clairement marqué le pas. Là encore, nul besoin d’afficher un pessimisme excessif mais bien du réalisme. Les opérateurs, après avoir bruyamment salué le train de mesures de soutien à l’économie annoncé en septembre, sont revenus à plus de raison. Les maux de l’économie chinoise sont profonds et les effets d’annonce vont devoir être suivis de stimulus renouvelés dans le temps et d’un assainissement profond des bilans de certaines banques, ainsi que des provinces du pays. Le chemin menant à un retour de la confiance des investisseurs étrangers nous parait donc encore long.

Comme décrit en introduction de cette brève analyse mensuelle, il nous paraitrait bien inopportun de procéder à d’importants changements dans nos allocations actuelles. Ces dernières sont aptes à supporter de potentielles rotations sectorielles induites par le résultat à venir de l’élection américaine. La légère réduction récente de notre exposition aux actions nous place dans une position favorable au sommeil de nos clients et ce, même si les marchés venaient à rendre un peu de leurs gains durant les prochaines semaines.

À l’inverse, si 2024 se finit en apothéose alors nul doute que nos portefeuilles capteront l’enthousiasme des investisseurs et la hausse des cours des actifs risqués. Notre exposition diversifiée aux actions globales, ainsi qu’à la thématique de la technologie, offre de bonnes chances de participer à un potentiel rallye boursier de fin d’année.

Au-delà des actions, c’est bien la construction de nos allocations « multi actifs » qui aura fait notre force jusqu’à présent en 2024. Nous avons acquis depuis bientôt dix-huit mois la conviction que la robustesse des portefeuilles devait primer sur la prise de risque pure et les paris trop marqués.

Nous avons acquis depuis bientôt dix-huit mois la conviction que la robustesse des portefeuilles devait primer sur la prise de risque pure ou les paris trop marqués

Comme les adeptes de sports collectifs le savent, les meilleures individualités ne forment pas toujours la meilleure équipe. Cette recherche de complémentarité dans la structure de nos allocations continue de prévaloir.

Notamment du côté obligataire, où la brusque remontée du rendement des obligations à dix ans du trésor américain aurait pu mettre à mal une exposition trop orientée sur des stratégies à duration longue. À l’inverse, avoir privilégié des véhicules présentant des durations tant courtes (1 à 3 ans) que plus longues (10 ans et plus) nous aura permis de mitiger les effets de prix induits par la hausse des rendements. 

Nous complémentons toujours la poche obligataire par l’ajout de deux produits « long/short », l’un opérant sur les obligations gouvernementales globales et l’autre sur le crédit à haut rendement européen. Ces derniers auront signé un mois d’octobre proche de l’équilibre, voire en hausse, alors qu’un indice obligataire global et diversifié recule de plus de 3% sur le mois à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Un dernier mot sur l’or, dont le rallye a continué de bénéficier à nos portefeuilles. Le prix du métal jaune est un contributeur non négligeable à la performance de cette année, mais il nous rappelle aussi les aspects les plus incertains de la situation actuelle sur les marchés financiers. Notamment le problème de l’accroissement des dettes gouvernementales et du coût du service de celles-ci. Ce sujet n’aura de loin pas fait partie de ceux régulièrement abordés par les deux candidats à la Maison Blanche durant leur campagne respective. Pire, il parait très improbable qu’une réduction de la dette soit envisagée dans les années à venir. Nous resterons donc attentifs à ne pas être victime du syndrome de « l’éléphant dans la pièce »

 « Quand la prudence est partout, le courage est nulle part » déclarait le cardinal Mercier lors du premier conflit mondial en 1914. Cet aphorisme de l’homme d’église belge n’a pas pris une ride plus de cent ans après et illustre la manière dont nous avons voulu piloter nos allocations cette année. La raison ne doit pas empêcher le courage en investissement.