MARKET INSIGHT – Octobre 2024
MARKET INSIGHT
L’analyse mensuelle de l’actualité économique et des marchés financiers mondiaux par Prime Partners.
Le début d’une nouvelle phase de politique monétaire
Attendu comme le messie depuis de nombreux mois, le fameux « pivot » de la FED s’est enfin produit le 18 septembre dernier. Jérôme Powell et ses acolytes ont même procédé à une inhabituelle coupe de 50 points de base des taux d’intérêt, cette ampleur étant jusqu’ici réservée aux périodes de crise. La communication autour d’un tel mouvement, bien qu’anticipé par une partie du marché, était clé afin de ne pas insuffler une pointe de nervosité dans l’esprit des opérateurs et d’éviter le ressenti d’un retard entre une politique monétaire potentiellement rigide trop longtemps et une économie américaine ralentissant plus vite que prévu.
Dans cet exercice M. Powell s’est montré rassurant. Il a accompagné cette importante baisse de taux d’un discours positif quant à l’état actuel de l’économie américaine, notamment concernant l’inflation. La réserve fédérale américaine se montre désormais plus confiante concernant le niveau général des prix aux Etats Unis et l’atteinte prochaine de l’objectif des 2% d’inflation. En contrepartie, l’institution a révisé en hausse sa prévision de chômage pour la fin de l’année à 4.4%. Il s’agit donc désormais pour la FED de surveiller comme le lait sur le feu l’emploi américain et de proposer aux entreprises un environnement monétaire moins contraignant, espérant ainsi éviter à ces dernières de devoir procéder à d’éventuels licenciements
« Finalement nous y sommes » pourrait on se dire. Une phase de baisse des taux d’intérêt est officiellement amorcée, y compris aux Etats-Unis, et devrait théoriquement s’étendre sur quelques trimestres afin de progressivement desserrer l’étreinte monétaire requise par la lutte contre l’inflation des deux dernières années. Les dynamiques économiques n’étant de loin pas une science exacte, il n’est pas temps de nous laisser aller à un optimisme béat. Tout comme Jérôme Powell, nous observons que la victoire se dessine face à l’inflation. Cette dernière risque cependant de ne pas s’établir à des niveaux aussi bas que durant les deux dernières décennies, mais elle n’est a priori plus la donnée clé à surveiller au cours des prochains mois.
C’est bien l’emploi qui va désormais capter l’attention, car même si le niveau de chômage reste bas sur le sol américain, il remonte doucement depuis quelques mois et certaines publications économiques peuvent légitimement faire douter de l’ampleur réelle du ralentissement économique au pays de l’Oncle Sam.
C’est bien l’emploi qui va désormais capter l’attention, car même si le niveau de chômage reste bas sur le sol américain, il remonte doucement depuis quelques mois
Les marchés financiers n’ont d’ailleurs pas « célébré » de manière excessive l’annonce de la FED. Le mois de septembre, certes réputé pour être régulièrement un mauvais cru boursier, n’a pas vu l’indice S&P 500 s’envoler.
En résumé, notre discours des derniers mois ne change pas suite à ce premier mouvement de la FED : de l’optimisme, oui, mais de la prudence aussi, dans un environnement qui reste incertain et dans lequel nous observons des rotations sectorielles importantes depuis quelques semaines, avec parfois une propension à l’emballement soudain, comme ce fut le cas début août.
De l’autre côté de l’Atlantique, pas vraiment de raison de célébrer quoi que ce soit. En effet, les situations allemande et française, ancien « couple star » de l’économie européenne, ne sont guère réjouissantes, même s’il nous parait important de ne pas tomber dans l’alarmisme.
Le poids des secteurs industriels, automobile en tête, dans l’économie allemande continue de grever la dynamique économique européenne. S’ajoute désormais à cela une forme de prise de conscience de la dégradation rapide du déficit français, à laquelle le nouveau premier ministre, M. Barnier, va devoir s’atteler rapidement. Il en résulte des perspectives de hausses d’impôts pour les entreprises françaises notamment. Ceci n’est donc pas vraiment de nature à réjouir les patrons du CAC 40, dont la taxation de certains « super profits » est régulièrement évoquée. À l’inverse, les pays du sud de l’Europe affichent actuellement une bien meilleure mine, Espagne en tête… Il flotterait presque un petit parfum de revanche vis-à-vis des années 2010 et la crise de la dette européenne.
Une fois n’est pas coutume et parce qu’on ne s’ennuie jamais avec les marchés financiers, ce sont bien les actions chinoises qui auront connu (de loin) le mois de septembre le plus positif. Pékin a en effet annoncé en deuxième partie de mois une série de mesures visant à relancer l’économie du pays, en proie à une profonde crise immobilière et plongée dans un marasme régulièrement évoqué dans ce feuillet. Il nous parait à ce stade très prématuré d’affirmer que la deuxième économie mondiale va reprendre sa trajectoire de croissance pré-Covid suite à ces annonces qui, même si elles sont d’une ampleur conséquente, restent assez éloignées d’un plan de relance massif comme en ont connu les Etats Unis post- 2008.
Ce rapide tour d’horizon économique du dernier mois écoulé ne nous amène pas à modifier notre scénario central pour la fin de l’année. Les marchés actions présentent des valorisations élevées, sans pour autant que ces dernières nous paraissent fortement déconnectées de la réalité. Nous restons donc convaincus d’une poursuite de « l’atterrissage en douceur » des économies orchestré jusqu’ici plutôt brillamment par les banquiers centraux.
Nous nous attendons en revanche à de potentiels remous à l’intérieur même des grands indices actions, S&P 500 en tête. Les rotations sectorielles, précédemment évoquées, ne devraient de loin pas disparaitre, d’autant que la fin de l’année va connaitre une actualité extrêmement chargée. Qui dit mieux que la première semaine de novembre qui, en plus de nombreux résultats trimestriels, sera le théâtre du verdict de l’élection présidentielle américaine, d’une réunion de la FED et des publications de l’ISM et de l’emploi… De quoi assurément amener de la volatilité.
Côté obligataire, le message donné par les opérateurs suite à la baisse des taux d’intérêt américains n’a lui non plus rien d’exubérant. Les taux longs sont même remontés aux Etats-Unis après l’annonce de Jérôme Powell. Il nous parait probable que ceci s’explique en partie par l’absence criante à ce stade dans les programmes de Kamala Harris et de Donald Trump d’une volonté d’adresser le problème croissant du déficit. Un stimulus fiscal et des dépenses fédérales supplémentaires pourraient venir contrarier le processus de baisse de taux de la FED en revigorant quelque peu les pressions inflationnistes. En économie et surtout concernant les questions d’endettement, il est fréquent de dire qu’il n’y a pas de problème… jusqu’à ce qu’il y en ait un.
En économie et surtout concernant les questions d’endettement, il est fréquent de dire qu’il n’y a pas de problème… jusqu’à ce qu’il y en ait un
Il parait enfin important de rappeler que le contexte géopolitique demeure très tendu, sans signe d’amélioration. Les marchés financiers se sont habitués au conflit en Ukraine et, même si les menaces nucléaires appartiennent a priori au passé, il n’y a guère de signes d’amélioration à l’horizon. Seule une arrivée au pouvoir de Donald Trump pourrait, selon ses propres mots, (si énigmatiques soient-ils) marquer un tournant, dont nous ignorons la nature à ce jour.
La situation au Proche-Orient, quant à elle, se dégrade avec un élargissement du conflit au Liban, en plus de la bande de Gaza. Bien que la supériorité militaire israélienne s’affirme nettement face au Hezbollah, une extension du conflit, notamment avec l’Iran, n’est malheureusement pas à exclure.
Nous entamons le dernier trimestre avec les mêmes principes d’allocation d’actifs qui font notre force depuis 18 mois. Diversification sectorielle pour les actions, qualité des émetteurs obligataires et confiance envers des gestions alternatives décorrélantes vont rester nos mots d’ordre pour le T4. De potentiels remous à venir ne remettent pas en question la construction actuelle de nos portefeuilles. L’importante secousse de début août, suivie d’une remontée des marchés actions vers leur plus hauts, nous ont permis de vérifier empiriquement que nos portefeuilles étaient en mesure d’absorber des chocs, puis de capter un mouvement haussier.
Nous n’ignorons pas non plus les signaux envoyés tant par la forte hausse de l’or que par le niveau record des actifs détenus dans des produits de « money market », en dollars principalement. Bien au contraire, nos allocations font la part belle à ces actifs qui constituent, du reste, deux éléments importants de la structure de portefeuille que nous pensons être adéquate actuellement.
L’optimisme prudent dont nos allocations sont le reflet a produit des résultats que nous jugeons satisfaisants cette année, combinant performance et faible volatilité. La première « jumbo » baisse des taux d’intérêt par la FED ou encore l’incertitude entourant le résultat de l’élection présidentielle américaine ne sont pas, à ce stade, des motifs de crainte excessive. Marché agité ne veut pas toujours dire marché baissier.